Libres et téméraires, témoignages de femmes qui bousculent l'ordre des hommes
mercredi 7 mars 2012
Difficulté à concilier vie personnelle et vie professionnelle, bataille pour obtenir des postes haut placés, lutte contre le sexisme ambiant... Des combats restent à mener pour la cause féminine, la Journée des femmes, demain, est là pour le rappeler. Pourtant, dans la métropole, certaines femmes ont pris le pouvoir ! Témoignages, entre fierté et inquiétudes.
> Claude Dermaux, PDG de Buro club à Marcq. Créer son entreprise, c'est la solution que Claude Dermaux a trouvée pour pouvoir organiser harmonieusement travail, vie de famille et... légitime ambition. Cadre dans deux grandes entreprises, elle fait le constat qu'une carrière de femme « qui joue le jeu » peut évoluer, mais que le management de progrès se heurte à ce qu'elle appelle « le plafond de verre : pas de femme dans les comités de direction ». Quand elle postule pour devenir directeur administratif et financier dans une PME, le couperet tombe : « À qualités égales (et bien que mes filles étaient ados), le consultant m'a avoué que le patron préférait un homme à ce poste ! » Vice- présidente de FCE ( Femmes chefs d'entreprises), elle reste cependant optimiste. « Les mentalités vont changer grâce aux nouvelles générations, mieux éduquées. » Avec une pointe de vigilance : « Le socle de l'émancipation féminine demeure l'accès à la contraception. Attention à la perte d'acquis justifiée par des économies de budget. »
> Véronique Glay, directrice générale des services de la mairie de Linselles. À 52 ans, Véronique Glay dirige les services de la ville de Linselles, soit 175 personnes. « Je suis arrivée dans la fonction publique parce que j'ai dû travailler rapidement à la suite du décès de mon père, raconte-t-elle. Cette profession reste peu exercée par les femmes. Je suis là car j'ai renoncé à une vie de famille, sinon, je n'aurais pas réussi. » Entourée d'hommes, elle n'a aucune difficulté à se faire accepter, fonctionnant en tandem avec le maire, Jacques Rémory, en place depuis son arrivée.
> Janine Taillé, ancienne professeur de maths en classes prépa. En 1963, lorsque Janine Taillé arrive au lycée Gustave-Eiffel d'Armentières en tant que professeur de mathématiques, elle devient la première femme enseignant en classes préparatoires de l'établissement. Elle est confrontée à une classe de cinquante-quatre garçons. Le directeur, « qui avait peur que je ne puisse pas tenir tête à tous ces jeunes hommes », a dédoublé toutes ses heures les trois premiers mois. Selon Janine Taillé, la priorité, « c'est de se battre contre les stéréotypes que l'on reproduit de façon confuse ou volontaire ». Et cela commence rapidement, dans les jouets : « Les filles ne sont pas faites que pour les poupées ! Elles savent aussi faire des jeux de construction ! »
> Dorothée Da Silva, directrice des ressources humaines du groupe Horiba. Chef d'entreprise dès l'âge de 18 ans, Dorothée Da Silva est aujourd'hui directrice des ressources humaines du groupe Horiba et manage 350 personnes. Avant 2008, elle a été présidente de Lille Grand Palais et adjointe au maire de Lille. « Pendant ces quatorze années, je n'ai pas eu à batailler ou à défendre mon poste d'adjoint. À aucun moment, ma condition de femme n'a pu me freiner. » En revanche, Dorothée Da Silva a bien conscience des difficultés que rencontrent les femmes. « Le premier combat à mener reste celui contre la violence, qu'elle soit physique, morale et aussi au niveau de l'égalité salariale. La Journée des femmes doit donc rester une journée de mobilisation. »
> Catherine Fanien, directrice de la relation clients des enseignes grand public du groupe 3 Suisses International. Elle dirige aussi Connectelles, réseau lancé fin 2010 dans le groupe et qui vise à résoudre les difficultés des femmes au quotidien. « Dans ma vie professionnelle, je n'ai pas eu à me battre plus que les hommes, mais le plus difficile a été d'oser postuler à des postes de direction, de ne pas attendre d'être surperformante pour me dire que je pouvais évoluer. Le premier frein, c'est dans la tête, et l'essentiel est d'être bien accompagnée, d'échanger et d'avoir des modèles. Je suis une femme, une mère, une épouse et il est difficile de concilier vie professionnelle et vie de famille. Il se développe un sentiment de culpabilité sur le fait de savoir si l'on fait bien ou mal, si l'on consacre assez de temps à ses enfants. La solution que j'ai trouvée, c'est de bien leur expliquer. Cela répond à cette difficulté. » Elle poursuit : « Le mot "combat" à mener est un peu fort. Je pense qu'il faut favoriser la mixité, l'existence de réseaux, et faciliter la vie des femmes au quotidien au travers des conditions de travail, de la garde d'enfant, du télétravail, et ainsi favoriser l'équilibre entre vie de famille et vie professionnelle. »
> Sophie Bocquet, photographe aérienne à Lesquin. « Voler de ses propres ailes pour être totalement indépendante . » Tel est le credo de cette battante de 46 ans, confrontée au défi du divorce et à la nécessité de s'en sortir. D'abord bénévole au club aérien de Lille Métropole, elle s'initie ensuite à la photographie vue du ciel en compagnie d'un pilote expérimenté. Jusqu'à s'installer à son compte, voici quatre ans, dans l'espoir d'être bientôt en autonomie complète, à bord d'un avion comme dans la vie. « Une femme doit forcément combattre davantage pour s'imposer, estime l'ancienne élève d'école hôtelière, et je suis convaincue que l'on ne me fera pas de cadeaux. » En revanche, Sophie est persuadée qu'à un poste important, « une femme est plus courageuse qu'un homme ». Mais pour elle, l'essentiel est ailleurs, dans la lutte pour l'indépendance, sous toutes ses formes. « Ce combat-là reste à mener, pour l'égalité salariale ou la garde des enfants. » •