Le cinéma et la région, c'est une très longue histoire.  Il faut en  effet remonter le fil  du temps pour trouver  les  prémices d'une exploitation à titre économique.  Depuis le début des siècles, d'aucuns rêvent d'établir ici  une véritable cité du cinéma.  Un  projet ambitieux qui  n'a jamais vu  le jour mais qui  pourrait connaître un dénouement comme le cinéma les aime.

 Le cinéma et la région, c'est une longue histoire", invite Anne Rosier à se pencher sur cette affiliation en effet un peu particulière "Est-ce un hasard, interpelle la présidente marseillaise des Femmes chefs d'entreprises (FCE), les premiers pas du cinéma ont eu heu à la Ciotat en 1895 avec la projection du premier film des frères Lumières dans le cinéma de l'Eden" Aujourd'hui, avec près de 2 000 journées de tournages, Paca représenterait 15% de la production nationale, contre 48% pour Ile-de-France (7 819 jours et 255 tournages) et 4% pour Rhône- Alpes (6 1 9 jours, soit 33 tournages)

Et si l'on ajuste encore un peu plus la focale sur un point précis, la Mission cinéma et de l'audiovisuel de Marseille revendique 1 118 jours de tournages pour 230 productions (tous genres confondus) réalisées dans les murs de la ville C'est pour donner un coup de projecteur à une filière, dont le poids économique et le niveau de protessionnalisation restent méconnus, que les femmes chefs d'entreprises ont décidé de lui consacrer une journée en décembre dernier à l' Alhambra Il faut en effet remonter le cours du temps pour trouver les prémices d'une exploitation a titre économique "Marseille, c 'est une ville mythique quand on a vu tous les Pagnol", explique l'actrice-réalisatrice Isabelle Nanty. Et c'est peu de le dire.

Plus qu'un cinéaste, l'homme fut un mécène du 7ème art. Quand l 'auteur-réalisateur acquit le château de La Buzine en 1941, c'était déjà pour en faire une "cité du cinéma" avec plateaux techniques et résidence d'artistes Elle ne vit jamais le jour et le château connut un tout autre destin. Mais avant Pagnol, il y eut déjà un embryon de projet dans le quartier de la Croix Rouge, en 1916, à l'initiative de la société Phocéa films Et un autre prévalut également dès 1 937 à Carry-le-Rouet, porté par le génial architecte-urbaniste Gaston Cassel Ambitieux, il découpait l'espace en quartiers industriels par corps de métiers nécessaires à l'élaboration d'un film Pas étonnant que ce soit lui qui plancha sur le projet de Pagnol.

Maudite, cette cité du cinéma ?
Seul un homme parvint à concrétiser quelque chose : Paul Ricard, qui avec sa société Protis, ouvrit en 1950 des studios sur 3 ha à Sainte Marthe Quelques longs-métrages y seront produits et tournés mais l'aventure ne durera pas une décennie. "Nous n'en sommes pas encore à relancer le projet de Marcel Pagnol ou de Paul Ricard, prévient Ehane Zayan, conseillère municipale déléguée au cinéma, aux arts de la rue et aux industries culturelles à Marseille, mais les choses évoluent Le cinéma s'apprécie désormais sous l'angle de l'industrie et de l'économie" Fait-il y voir un symbole ? Une structure dédiée et a été récemment créée et a rejoint le Pôle Média Audiovisuel de la Belle de Mai, qui regroupe les studios de cinéma et la filière audiovisuelle et multimédia "

Une filière autour du film s'est naturellement développée ici parce qu 'il y a eu de la demande Et il y a beaucoup de tournages parce que vous avez la lumière, le climat, une diversité de paysages en peu d'espaces et donc une multiplicité de décors possibles", explique Vassili Meimans, qui pilote la Commission régionale du film, une structure de la Région fédérant 11 bureaux d'accueil (aux tutelles différentes associative, départementale, consulaire ...) chargés d'apporter gratuitement services et logistique. Un maillage du territoire unique en France "Le problème c est que l'on ne vient à Marseille que pour son décor, résume Patrick Malakian, le producteur des deux premiers épisodes des Toques, la série culinaire diffusée sur TF1. L'enjeu n'est pas de recevoir mais de créer une industrie autour du cinéma Pour cela, il manque des studios

L'on parle toujours de ceux de la Victorme à Nice, mais ils ont beaucoup d'handicaps, ne serait-ce que par leur proximité avec l'aéroport Marseille s'est imposée comme lieu de tournage pour des raisons d'abord économiques nous n'avions pas les moyens de descendre avec une équipe pour tourner", explique Hubert Besson, le producteur de la séné "Plus belle la vie", fruit d'un contrat entre sa société Telfrance et France 3 "Notre série est produite a 95% avec des ressources locales Seule l'écriture n 'a pas été délocalisée" Pour ses besoins, la société occupe toute la surface offerte aujourd'hui par la ville 3 plateaux de 350, 800 et 1000 m2 à la Belle de Mai.

Pour compléter cette offre, la ville est en train de transformer en décors de cmema une partie des anciens locaux de la maternité de la Belle de Mai (3 000 m2), qui ont été loues immédiatement pour 6 mois a France Télévision pour la séné "Enquêtes réservées" "Sur 32 fictions réalisées par an, 8 ont été produites a Marseille" explique Elyane Legrand productrice executive de France TV Pourquoi Marseille ? "L'assurance soleil sur un certain nombre de jours", mais aussi "parce que nous avons besoin d'une atmosphère particulière"

Une réputation depuis French Connection
Reste à savoir si la façon dont les cinéastes exploitent aujourd hui la cité phocéenne contribue à son rayonnement Des doutes à la lecture des synopsis ou la ville est le théâtre de luttes mafieuses ou elle est caricaturée dans son côté pagnolesque Une réputation installée par Borsalino et French Connection "Pour que cette activité perdure, le territoire ne doit surtout pas être associé à une identité", sont-ils tous d'accord Et a fortiori s'il ambitionne d'attirer des films étrangers "Un petit film génère environ 20 000€ de retombées sur l'économie locale, une production américaine, jusqu'à 300 000€ ", précise Eliane Zayan qui s'est battue pour s'offrir une représentation au Festival de Cannes et a Santa Monica sur le Location Trade show. "Si l'on veut que les Américains écrivent des histoires où il y a la France, il faut exister dans l'imaginaire des auteurs", ajoute Vassilis Meimans C'est pourquoi la Région, en partenariat avec Film France, a organise ces dernières années des "tour opérator" avec des cinéastes et producteurs américains et indiens En 2011, elle va financer trois nouvelles opérations, sur les thèmes des paysages de glaciers, de lavande et de ports

S'il s'agit d'un pôle secondaire et non d'un pilier organique de développement pour la région, il mériterait toutefois quelques investissements La réalisation d'une étude sur les retombées* directes et indirectes permettra peut être de redistribuer l'importance qu'il convient de lui accorder